Comment les entreprises peuvent-elles créer de la valeur grâce à la collaboration IA-employés ? – The Conversation

Près de 9 projets sur 10 pourraient inclure des erreurs dues à l’incompréhension des développeurs ou des managers. Piqsels, CC BY-SA

Par Amélie Abadie, TBS Education; Prasanta Kumar Dey, Aston University et Soumyadeb Chowdhury, TBS Education

Les technologies d’intelligence artificielle (IA) offrent un potentiel de création de valeur pour les entreprises et les consommateurs. D’ailleurs, si les organisations se précipitant et déployant l’IA au sein des processus et opérations sont aujourd’hui nombreuses, elles peinent encore à observer des bénéfices organisationnels et des profits. Les entreprises trouvent souvent de la difficulté à intégrer les systèmes d’IA dans les équipes humaines, les opérations et les stratégies.

Une étude récente conduite entre le Boston Consulting Group et le MIT a ainsi montré que 7 projets sur 10 en IA n’ont généré qu’un bénéfice commercial limité, entraînant une baisse du nombre de plans d’implantation d’IA en entreprise de 20 % en 2019 et de 4 % en 2020. De même, en France, l’IA est accueillie entre confiance et crainte, selon un sondage IFOP en 2020. Similairement, le sommet Gartner Data et Analytics de mars 2018 anticipait que 85 % des projets en IA vont inclure des erreurs dues à l’incompréhension des développeurs ou managers à propos du big data ou de l’IA.

La collaboration Homme-IA, qui fait l’objet de notre dernière recherche, devient donc un enjeu critique pour concrétiser les bénéfices de l’IA. De la même façon que l’on enseigne avec patience à nos grands-parents à faire un appel vidéo, que l’on apprend à faire confiance au chemin proposé par Waze, les entreprises doivent chercher à « socialiser » avec cette technologie.

Acquérir les connaissances

Nous proposons ainsi un cadre pour la collaboration Homme-IA, qui a pour but d’aider les organisations à développer une stratégie de gestion et une conduite du changement radical que pose l’introduction des IA dans la perspective des employés.

Le premier élément vise à créer des mécanismes internes qui facilitent l’acquisition de connaissances, le partage entre employés sur les processus ou contextes d’utilisation de l’IA pendant les activités quotidiennes.

Par exemple, HCL Technologies, services de gestion d’infrastructures informatiques, a matérialisé ce principe en lançant une plate-forme aux fonctionnalités diverses permettant aux employés de partager leurs initiatives aux collègues et supérieurs. Cet arsenal vise à inciter les employés à s’investir pour évoluer en pleine autonomie, mais aussi à prendre leurs idées comme racine du capital connaissance, tout en se confrontant à l’environnement d’IA de la plate-forme.

D’une façon plus modérée, Tesco a développé une série de jeux en ligne autour des opérations quotidiennes de la grande distribution, soutenant à la fois la formation générale mais aussi un apprentissage continu et discret des technologies.

Le partage de connaissances entraîne une cocréation du capital d’expertise, capital qui évoluera au fil de processus répétés de restructuration, de fusion ou de synthèse des expériences, indispensables au dynamisme technologique des entreprises.

Une transparence à surveiller

Le deuxième élément consiste en une communication claire sur l’IA et la structure des postes et activités qui l’intègrent, rappelant avec clarté les rôles, responsabilités des employés dans l’IA, mais aussi la pertinence d’une telle technologie pour valoriser leur contribution.

Cela nécessite de communiquer les objectifs commerciaux et priorités de l’entreprise, puis expliciter quelle sera la place de l’IA dans ces derniers, ce qui fera force d’argumentaire rationnel pour convaincre à son adoption dans les équipes. Cette communication devrait être non seulement documentée mais aussi impliquer le face-à-face avec les salariés, aspirant au dialogue et à l’écoute des inquiétudes des collaborateurs, pour une meilleure compréhension et confiance dans l’IA.

Le manque de transparence liée à l’utilisation des algorithmes pour gérer l’organisation est par exemple l’une des principales frustrations chez les équipes des services Uber, Deliveroo ou Postmates. Cette frustration entraîne un sentiment de rejet et de contournement de la technologie.

Troisième élément : développer des processus pour identifier l’expérience tacite sur l’IA dans l’entreprise, qui aidera les novices à mieux comprendre l’IA ainsi qu’à transmettre à nouveau dans un réseau d’intelligence collective.

Par exemple, Layla Katz, anciennement styliste chez StitchFix.com, est rapidement devenue directrice créative pour guider les autres stylistes, dans ce service virtuel impliquant fortement des outils d’IA. Aujourd’hui, la salariée témoigne auprès d’employés et de journalistes sur le processus d’apprentissage qui l’a menée à « adorer l’IA », comme levier créatif lorsqu’elle était styliste.

Culture digitale de transmission

En effet, la collaboration Homme-IA sera facilitée par l’expérience tacite dans l’organisation, telle que le partage implicite des connaissances communiquées par les employés qui ont des facilités de compréhension de l’IA.

Dimensions de la collaboration IA-employés. Author provided

Enfin, il s’agit de mettre en place une stratégie de formation en IA pour les employés, comme un processus d’initiation à l’IA introduisant les employés aux nouveaux processus de l’IA. Les entreprises doivent articuler clairement les programmes de performance selon leur pertinence, les compétences liées et le développement du capital d’expertise. Elles peuvent mobiliser une feuille de route avec chronologie et objectifs pour faciliter l’engagement des employés dans ces programmes et les soutenir pour progresser vers la performance dans la collaboration Homme-IA.

Par exemple, Amazon a développé la Amazon Technical Academy, et Airbnb propose la Data University à ses salariés. Chez USIS AudioVisual Systems, on forme principalement certains salariés, chargés de former ensuite leurs collègues. Pour USIS, les formations IA veillent à délivrer une information centrée sur l’expérience de travail des employés, processus et gestions des bugs, et évitent tous détails techniques qui n’appartiennent au cadre quotidien d’activités du salarié pour limiter la confusion.

Les entreprises doivent donc, au bilan, sensiblement considérer la création d’une culture digitale de transmission et de partage des connaissances sur tous les aspects de l’IA, leurs capacités et limitations. Cela promet de fournir aux employés un arsenal de connaissances et compétences pour mieux appréhender l’IA et prendre confiance dans le rôle de cette technologie au sein d’un environnement travail collaboratif, et d’une structure claire de son cadre. Ils seront instrumentaux pour surmonter les peurs d’une potentielle dépréciation ou perte d’emploi liée à la digitalisation, l’automatisation et la démocratisation des technologies intelligentes.

Amélie Abadie, Professeure assistante au département marketing, TBS Education; Prasanta Kumar Dey, Professor of Operations Management, Aston University et Soumyadeb Chowdhury, Associate Professor Information Analytics and Sustainability Management, Head of Center of Excellance Sustainable Development and CSR,Toulouse Business School, TBS Education

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.